Grand fan des vins du Château des Tours, j’ai eu l’occasion de me rendre au Château Rayas et d’y déguster les vins du millésime 2017.
Voici la retranscription de quelques informations notées ou échangées :
Le domaine
En fait il y a 3 domaines : Rayas, Fonsalette, Château des Tours
Rien d’ostentatoire à Rayas (d’ailleurs il n’y a de château que dans le nom), tout est dans la discrétion et les choses n’ont pas dû changer tant que cela depuis 1890. Le « château » Rayas est un bâtisse des plus discrètes près des chemins de Rayas et de Pignan. Tout le mystère de Rayas est ailleurs, dans les vignes sans doute.
Les vignes
Emmanuel Reynaud tient à ce que cela soit reconnu, la spécificité des vins de Rayas est liée :
– au sol très sableux, non argileux, qui donne ce grain très fins.
La pauvreté du sol explique la densité faible de 2 500 pieds /ha
– à la présence d’arbres qui permettent un rafraîchissement des températures très net (aidés par le sol sableux qui ne maintient pas les températures comme le font les galets des plateaux de Chateauneuf du Pape)
– à l’orientation nord des vignes (Nord-Est / Nord-Ouest)
Cette fraicheur naturelle liée à la nature environnante et l’orientation expliquent que les raisins arrivent à maturité en général 1 mois après les raisins des vignerons voisins.
Le millésime 2017
Un millésime difficile avec une récolte bien moindre… à hauteur de 10% !
Du fait du peu de grappes présentes en Septembre et la sous-maturité des baies liée au manque d’eau, Emmanuel Reynaud a pris la décision de vendanger début Novembre afin d’attendre le retour de la pluie et la reprise du cycle végétatif de la vigne.
Pari risqué, pari réussi.
En plus d’une belle maturité, il y a gagné 10/15% de volume en sus… surprise de dernière minute de mère nature.
Le millésime 2018
A nouveau une année compliquée. Lors de notre visite, on ne voyait pas beaucoup de grappes sur les pieds entourant le domaine… qui étaient pourtant pleins de vie !
Il n’y aura peut-être pas de Rayas en 2018.
Emmanuel Reynaud a fait en sorte de stimuler le feuillage pour que la vigne emmagasine de l’énergie pour les années suivantes et qu’elle lui livre peut être des grapillons cette année…avec le maigre espoir de faire une petite récolte…peut-être début novembre…
Il faut s’appeler Rayas pour prendre ces 2 années de disette avec un certain sourire…
Quand boire un Rayas ?
Désormais les vins de Rayas sont disponibles 10 ans après la date des vendanges. Selon Emmanuel Reynaud, les vins commencent seulement à se livrer au bout de 10 ans. Il est possible que ce délai soit rallongé par la suite, de 2 ou 3 ans.
« On a tellement peu de vin qu’on aimerait qu’il soit compris quand il est dégusté » précise t’il.
En réalité, il semble conseiller d’attendre 20 – 25 ans pour les boire et faire ressortir le « mystère » de Rayas. Et il n’y aurait pas d’attente maximale car il ne perçoit pas de déclin dans les bouteilles qu’il déguste, juste des évolutions du vin.
Ses certitudes concernant le bienfait du vieillissement de ses vins lui font dire qu’il ne profitera pas des vins qu’il produit et ce, depuis le millésime 2011 : « Ils sont pour les générations à venir ».
Lui profite des vins de son grand père. On ne demanderait qu’à en faire autant 😉
La question qui le taraude est plutôt de savoir si les vins qu’il produit, seront aussi bons que ceux de son grand père. Il n’est pas certain d’avoir un jour la réponse.
Un conseil pour les vignerons ?
Ne pas faire la même chose que les autres ; comprendre les spécificités de son terroir.
La dégustation
Nous avons dégusté les vins de 2017 en barrique
– soit par cépage
– soit selon l’orientation des vignes ( Couchant / Cœur / Levant) pour Rayas.
N’ayant pas l’habitude de déguster des vins de Rayas, encore moins jeunes, je n’ai aucunement la prétention d’en faire une lecture fine. Il s’agit juste de partager des sensations à un temps T :
Cinsault de Fonsalette 2017
D’une gourmandise folle, le fruité se mêlant au floral. Epices douces. On trouve là une explication de la jovialité des vins du Château des tours qui comptent une proportion de 50% de cinsault. Donnez-nous en des seaux !
Grenache de Fonsalette 2017
Récoltée début Novembre ! Sérieuse. Le fruit rouge frais partage la gloire avec le fruit noir. Ce mélange de saveurs est un signe de qualité pour Emmanuel Reynaud qui semble heureux de l’avoir trouvé dans les jus des 3 derniers millésimes. Une grenache bonne « pour longtemps » dit-il.
Syrah de Fonsalette 2017
Minérale. Septentrionale. Je la trouve élégante. Peut-être encore un peu brute. Mon voisin vigneron y voit un jus moins complet qu’en 2016. Patience donc.
Grenache de Pignan 2017
Oh l’épice ! Gourmande !! Je me crois en présence d’une Syrah septentrionale. Emmanuel Reynaud me rappelle gentiment que la grenache est vite épicée sur les sols à galets et argileux de Chateauneuf.
Grenache du cœur et du côté couchant de Rayas (bénéficiant donc de plus d’ensoleillement)
Sérieux. Riche (du corps) et fine !
Grenache du levant de Rayas
Mince et fine. « Squelettique » dit justement Emmanuel Reynaud. Pure, sans fard.
Etonnant de voir une telle différence entre ces 2 derniers jus que seules les expositions semblent expliquer !
C ‘est l’association de ces 2 cuvées, le corps et le squelette pour simplifier, qui feront Rayas 2017. Cette association est toujours « explosive » et on sent dans cette expression, le bonheur non dissimulé du vigneron.
Il y aura donc très peu de bouteilles du millésime 2017 mises sur le marché dans 10/13 ans.
Bien loin de refléter les séquelles d’un millésime brutal, elles seront le reflet d’une vigne, en phase avec son terroir et son vigneron, qui rebondit sur le chaos de la vie… pleines de promesses !
Ce que je retiens de cette visite ?
– D’abord le grain sableux du sol que j’ai pris entre les mains. Jamais je n’aurais pensé qu’on pouvait atteindre pareille excellence avec du sable !
Je ne sais pas s’il y a un mystère Rayas mais la famille Reynaud a su créer l’osmose.
– Ensuite la bâtisse : Simple. Rudimentaire presque. A taille humaine. Hors du temps ou plus justement, ancrée dans le temps, celui des générations de vignerons qui se suivent et font leur travail en tout simplicité et plénitude.
A certains égards, cela m’a rappelé la cave de Jérôme Lenoir à Chinon (que j’aimerais bien revoir d’ailleurs).
– Enfin la personnalité d’Emmanuel Reynaud, son rapport au Temps et à la Terre…des éléments bien entendu déterminants dans la production du vin mais ils dépassent largement ce cadre… Alors qu’est ce qu’être moderne ?
Vous avez 2 heures 🙂